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mardi 22 mars 2011


"Charly 9" de Jean Teulé

pour lequel je vous propose la critique de Thierry Gandillot dans les "Echos" ....

"Il y a un style Jean Teulé, savoureux mélange d'uchronie (« reconstruction fictive de l'histoire, relatant les faits tels qu'ils auraient pu se produire », Larousse) et de diachronie (« caractère des phénomènes linguistiques considérés du point de vue de leur évolution dans le temps », ibid). Quand il s'empare d'un sujet, Teulé le passe à la moulinette de ses délires, qui sont amples, au hachoir de son style iconoclaste. Le sang comme les mots giclent, les os et les phrases cognent, les chairs comme des parcelles d'histoire finissent en lambeaux. Le lecteur en reste pantois.

Sujet : Charles IX, dit « Charly 9 » (on peut prononcer « nine » si l'on veut). L'avant-dernier des Valois a vingt-deux ans quand il monte sur le trône. A peine en place, il ordonne, dans la nuit du 23 au 24 août 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy : 3.000 morts à Paris dont l'amiral Gaspard de Coligny, le chef des protestants, que « Charly 9 » appelait pourtant « mon père ». Tirés de leur lit, les huguenots sont poignardés, lacérés, noyés, brûlés, pendus, voire tout ça à la fois. Y compris les deux cents nobles qui résident au Louvre (où, super-traîtrise, ils ont assisté, quelques jours plus tôt, au mariage de la très catholique soeur du roi, Marguerite de Valois, et du prince protestant Henri de Navarre, futur « H4 »),

Mais le mouvement, qui aurait dû rester circonscrit à la noblesse, échappe à ses initiateurs. C'est la curée. Au total, entre 10.000 et 30.000 huguenots auront été trucidés dans le doux royaume de France entre août et octobre. Les historiens se disputent encore sur l'identité de ceux qui décidèrent de faire monter la pression autour des protestants avant de déclencher le massacre. Jean Teulé choisit de montrer un roi faible manipulé en son « conseil étroit » par sa mère, Catherine de Médicis, et son frère, le froufroutant Anjou. « Why not ? »

Face à l'horreur de son crime, Charly 9 cherche à fuir le réel dans la chasse ou le sexe, qu'il pratique, l'un et l'autre assidûment. Il multiplie les actes les plus déments, exterminant des lapins à la dague dans le boudoir de sa maîtresse, Marie Touchet, avant de l'honorer (pas moins de trois fois, dit-on), coursant la bête rousse dans les couloirs du Louvre, soufflant dans son cor à s'en époumoner. On l'aurait vu s'enfouissant dans la dépouille d'un cerf encore fumante pour échapper à ses devoirs, tel cet étrange oiseau coureur dessiné par le chirurgien Ambroise Paré (l'un des rares parpaillots à avoir échappé à la camarde), qui, face au danger, plonge sa tête dans le sable. Il lui arrive aussi de zigouiller sans prévenir son lévrier préféré avant de s'en faire des gants, de décapiter avec sauvagerie veaux, vaches, cochons, couvées, à un retour de chasse. Des fantasmes ensanglantés hallucinent ses nuits tandis qu'il se met lui-même à suer du sang par tous les pores de sa peau jusqu'à l'expectoration finale. Il aura trop sonné du cor, fut le diagnostic de Paré, selon Brantôme. On n'est pas forcé de le croire.


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